Honda Africa Twin 1100 Adventure Sports – A l’épreuve du quotidien

Publié le 22 avril 2020 par Mathias Deshusses, mis à jour le 6 mai 2020.

Photos: Mathias Deshusses.

Test Honda

Honda Africa Twin 1100 Adventure Sports – A l’épreuve du quotidien

Mi-avril. Début du printemps. Dans un ciel dénué du moindre nuage, le soleil brille de mille feux et réchauffe délicatement mon épiderme. Les senteurs du printemps rajoutent un plaisir olfactif à celui, auditif, du chant des oiseaux dans la forêt voisine. La journée me semble idéale pour une balade à moto. Comme ça, pour le plaisir. Je descends nonchalamment au garage et me trouve confronté à un choix cornélien, quoique fort agréable: quelle moto choisir ?

Et il y a là un gros roadster italien, au V2 gorgé de couple, une GT allemande, à la protection impériale, une sportive japonaise, au châssis précis comme un scalpel, et une petite enduro de faible cylindrée, pour couper à travers les chemins forestiers. Un éternel dilemme me submerge. Face à l’impossibilité de me décider, je saisis l’ensemble des clés, les mélange sur l’établi et en saisis une au hasard en fermant les yeux. Et je verrai plus tard ce que ça donne à  l’épreuve du quotidien.

Voilà pour le rêve de tout motard. Une moto pour flâner, une autre pour arsouiller, et une dernière pour s’évader… au gré de ses envies. Bon. C’est beau de rêver, mais la réalité, c’est qu’à de rares exceptions – comme savoir forcer un Neiman avec un tournevis – on ne possède qu’une seule monture. Ô rage, ô désespoir, on est d’accord. Alors cette moto, autant bien la choisir. Et là, les avis divergent. Pour beaucoup, il s’agit donc de trouver la moto idéale, qui se satisfera à elle seule des multiples traitements qu’on décidera de lui infliger. Et pour ce type d’usage, ledit véhicule devra prioritairement faire preuve d’une souplesse digne d’une danseuse ukrainienne, tant le grand écart est périlleux.

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La nouvelle Honda sera une partenaire de choix pour affronter des allers-retours quotidiens vers le centre-ville de Genève.

Voici, donc, le cahier des charges pour mon essai du jour. Pas évident, mais la Honda Africa Twin 1100 Adventure Sports semble avoir été conçue dans un esprit de polyvalence, et le 1er constructeur japonais est connu pour offrir des motos fort agréables au quotidien. Remaniée fin 2019, elle a déjà été testée par nos soins (lire l’essai) il y a 6 mois. Des petites routes sinueuses, un peu de piste et deux belles journées de prise en main… sous le soleil resplendissant de la Sardaigne. Des conditions idéales (oui, le job est difficile !) pour pousser la moto dans ses retranchements, mais peu en phase avec la réalité quotidienne de bon nombre d’entre nous.

Adventure Sports
La même, lors de la prise en main en Sardaigne par notre rédacteur en chef préféré. Idéal pour jauger l’efficacité de la moto, mais un peu éloigné de la réalité helvétique.

Retour, donc, au mois de février, bien avant que ce satané virus ne commence à restreindre nos libertés. Aaaah, février, son petit crachin, son absence de soleil et son bitume à l’adhérence joueuse… Voici le cadre, une fois n’est pas coutume, de mon test. Un essai en conditions réelles, l’épreuve du quotidien. Au plus proche de l’usage pendulaire que beaucoup feront de leur moto, souvent par la force des choses plus que par plaisir brut. Alors, elle vaut quoi, cette CRF 1100 L, au jour le jour ?

Un essai au quotidien, ça commence comme une semaine de travail. Par un lundi matin. Le mien est pour le moins grisâtre et le relevé de pluviométrie se rapproche dangereusement de celui d’un ouragan. Il ne va pas falloir faire le fou avec les pneus neufs. La moto n’affiche en effet que 28 kilomètres au compteur et les pneus Battlax A41 sont encore enduits de paraffine. Un moteur en rodage n’est pas l’idéal pour juger de ses performances, mais il s’agit d’une des premières machines arrivées sur sol suisse, et il faut remercier Honda Suisse de nous l’avoir immédiatement mise à disposition. La moto ici testée est une Adventure Sports, en boite manuelle. Si son équipement de base est ultra complet, elle est dépourvue de toute option, mis à part le « EERA ». Du petit nom que donne Honda a ses suspensions électroniques semi-actives. Bon, avec le déluge qui s’annonce, ne comptez pas sur moi pour vous faire part de la finesse des réglages après 20 allers-retours sur le col du Mollendruz en attaque sportive. Mais des suspensions adaptatives dans des conditions postapocalyptiques, pourquoi pas.

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Ne vous fiez pas au soleil sur cette image, prise la semaine suivante. L’essai s’est déroulé à 95% sous la pluie.

Car mon programme pour cet essai est à faire pâlir d’envie n’importe quel motard confiné. Jugez plutôt: des trajets quotidiens sous la pluie entre l’hyper-centre de Genève et sa proche campagne, un peu d’autoroute (limitée à 80km/h pour le plaisir), pas un gramme de terre ni le moindre lacet de col. Le tout majoritairement de nuit, car oui, à cette époque de l’année, le jour est déjà tombé depuis longtemps à l’heure de l’apéro.  Et pourtant, sur ces trajets répétés et peu jouissifs, la grosse Honda réussit le tour de force de me donner du plaisir, même dans ces conditions.

A commencer par son moteur. Enchanteur, il délivre une centaine de canassons à 7500 tr/min, ce qui est largement suffisant pour se faire plaisir. Si la hausse annoncée – précise – est de 6,8 ch, elle reste peu sensible à la conduite par rapport au modèle précédent. Le moteur a cependant gagné en rondeur. Déjà souple et onctueux auparavant, il l’est désormais encore plus. Même s’il ne faut pas hésiter à grimper dans les tours pour gagner en vivacité, les 105 Nm de couple se trouvant perchés à 6250 tr/min. Peu sensationnel, ce bloc de 1084 cm3 n’est jamais violent et s’avère un allié précieux lorsqu’il s’agit de conduire en mode « pilote automatique » dans la brume matinale. Il offre un agrément de 1er choix, permettant d’enrouler sur les rapports supérieurs pour se faufiler dans le trafic urbain, comme de profiter des mi-régimes pour s’en extirper. Et sur les petites routes du canton de Genève, ce moteur sait comment vous donner la banane. Seul bémol, une sonorité d’échappement agréable, mais un peu trop discrète à l’attaque (pour autant qu’on puisse parler d’attaque) dans les quelques courbes d’une montée de Verbois détrempée.

Honda Africa Twin

Dans ces conditions, la partie-cycle de la Honda fait un boulot fantastique. Bluffant de stabilité, le trail de quelques 240 kg (tous pleins faits) se laisser mener du bout des doigts, malgré l’embonpoint certain lié aux 25 l du réservoir. On sent que les suspensions travaillent bien et gardent le contact avec le sol quelle que soit la situation. La répartition des masses est parfaite et la moto vire sans effort d’un appui sur les cale-pieds. Les curseurs de la pléthore d’assistances électroniques (ABS, antipatinage et modes moteurs, mais aussi anti-wheeling et gestion du frein moteur) sont poussés à fond et l’ensemble donne une sensation de sécurité inégalée. Malgré des pneus neufs et un poids imposant, la Honda reste imperturbable et aucun mouvement parasite ne se fait sentir.

Les freins avant, confiés à deux disques de 310 mm pincée par des étriers radiaux 4 pistons, se montrent pour leur part efficaces. S’ils peuvent manquer un peu de mordant en début de course, cette douceur est plus que bienvenue dans les situations délicates. Et sera un avantage non négligeable pour ceux d’entre vous qui désireront s’aventurer en hors-piste. Globalement, cette nouvelle version 1100 bardée d’électronique s’avère réellement sécurisante, et renvoie une impression de confiance inégalée en toutes circonstances.

De la confiance, il en faudra en revanche lors des stationnements. L’accès à la selle culmine à une hauteur variant entre 850 et 870 mm, avec une possibilité, en option, de la réduire (825 – 845mm) ou de l’augmenter (875 – 895mm), via le catalogue des options. Pas de soucis pour l’enjamber avec mon mètre quatre-vingt-deux, mais le problème vient de la béquille latérale. Trop courte, cette dernière fait pencher exagérément la moto et imposera l’usage de la force pour la redresser. Une béquille centrale existe, mais il faudra alors, encore une fois, mettre la main au portefeuille.

Africa Twin CRF 1100 L Adventure Sports

Le buste droit, le pilote domine la circulation. Se faufiler entre les files de voitures à l’arrêt est en jeu d’enfant grâce au grand guidon et à un centre de gravité relativement bas. L’agilité est parfaite, et la facilité de prise en main déroutante. Les rétroviseurs ne vibrent pas (comme l’ensemble de la moto d’ailleurs) et le confort d’assise est excellent, malgré une selle un peu ferme. Et puis, avec elle,  le gymkhana quotidien peut vite devenir une partie de plaisir. Elle, l’Africa Twin au nom si évocateur, se transforme donc en une machine apte à tous types de franchissements urbains, trottoirs et escaliers compris.

l'épreuve du quotidien
Les trottoirs et autres obstacles urbains sont une formalité pour l’Adventure Sports, qui ne demande que ça.

A l’heure de la pause photo, pas d’autre choix que de se mettre à couvert. La nouvelle esplanade de Lancy Pont-Rouge, fief du Leman Express franco-g’nevois, conviendra parfaitement pour réaliser un shooting statique. L’occasion, aussi, de passer les détails de la belle en revue. L’Adventure Sports est une Honda «Premium», comme en témoigne l’écusson classieux apposé sur le réservoir. Le coloris de notre version d’essai vient rappeler à notre inconscient l’historique de la lignée et les jantes à rayons – tubeless – lui confèrent un léger aspect vintage.

L’ergonomie à l’épreuve du quotidien

La finition est excellente et, en l’absence d’accessoires et de bagagerie, renvoie plus à un statut social qu’à une image de baroudeuse. La faute, peut-être, a un tarif qui a considérablement pris l’ascenseur. A près de 20000.- frs (19990.- frs dans ce coloris tricolore – et 390.- de moins en noir – grâce à un tarif Swiss Bonus), le retour à l’esprit originel, prôné par la CRF 1000 lors de son lancement en 2016, semble bien loin. Finie la simplicité, place à la complexité. Et l’ergonomie en pâtit. Clairement. L’épreuve du quotidien prend ici une autre tournure.

l'épreuve du quotidien
Intermède photographique de choix, à mi-parcours de l’essai le plus humide que j’aie réalisé.

Avec le nombre d’assistances et les multiples niveaux de réglages disponibles, Honda n’a pas fait dans la demi-mesure. On se croirait presque sur une Goldwing tant les comodos regorgent de boutons. Pas simple de s’y retrouver au début (et même au bout d’une semaine, en toute franchise). La commande des clignotants, par exemple, se situe très bas sous le bouton du klaxon et impose une manœuvre particulière pour l’atteindre. Sans même parler de l’angoisse rien qu’à l’idée de devoir les manipuler de nuit, car il n’y a pas de rétro-éclairage. On y reviendra. Mais une lecture approfondie du carnet de bord semble indispensable pour comprendre les diverses subtilités de l’ordinateur de bord. On notera en effet la nécessité de passer par plusieurs boutons successifs – répartis sur les deux commodos évidemment – pour enclencher, puis régler sur différents niveaux les poignées chauffantes. Idem pour le régulateur de vitesse. Ou encore la bulle, réglable sur plusieurs niveaux, mais nécessitant les deux mains. Et donc un arrêt en bord de route. Dommage.

comodo Honda
Le nombre de boutons à mémoriser est impressionnant.

Le tableau de bord est composé d’un écran TFT de 6,5’’ tactile et très réactif, même avec des gants. Ultra complet, il est lisible de jour, même en plein soleil, comme de nuit, sans être trop aveuglant. Étonnamment cependant, tout n’est pas tactile et certaines manipulations requièrent de repasser par les bonnes vieilles commandes manuelles. Il aurait été plaisant de pouvoir, par exemple, modifier les différents niveaux de puissance, d’antipatinage ou d’ABS directement du bout du doigt. Ce qui aurait pu, du même coup, soulager un peu le poste de conduite. Pas assez – ou trop – abouti. A chacun de juger.

Dans le même registre, l’Apple Car Play fonctionne bien (avec un branchement par câble) – mais pourquoi se limiter à l’iPhone, et mettre de côté les utilisateurs d’autres d’appareils ? Dommage, là aussi. Trop de manipulations, qui ont vite raison de la patience d’un pilote qui ne demande qu’à rouler. D’autant que l’Africa Twin ne demande que ça, et appelle à l’évasion.

tableau de bord TFT
Le petit compteur LCD permet d’avoir les infos essentielles lorsqu’on utilise l’Apple Car Play.

Mais pour moi, l’évasion, ce sera le retour à la maison. Après une grosse journée en ville, et de nuit. L’éclairage de l’Adventure Sports s’avère très performant. Le faisceau est large et les feux de virages, couplés au capteur d’inclinaison, fonctionnent à merveille, offrant une luminosité impressionnante. La protection offerte est bonne, et le gros réservoir n’y est pas pour rien. Les jambes sont au sec et c’est uniquement la pointe des bottes qui prendra l’eau. Au niveau de la partie haute du corps, la protection est également excellente, du bout des gants au sommet du casque Il y a peu de turbulences et les flux d’air qui enveloppent le pilote semblent avoir été très bien étudiés. Par contre, la bulle peut poser un problème de visibilité. Du fait de sa conception et de ses bords incurvés, le pare-brise d’origine provoque en effet une zone de de déformation de quelques centimètres sur son contour, qui peut s’avérer gênante.  Peu sensible de jour (selon la taille du pilote), ce phénomène s’amplifie de nuit, et peut rendre problématique la lecture de la route.

l'épreuve du quotidien
L’Africa Twin aura été une alliée de choix pour ce test.

Arrivé au terme d’une semaine d’essai à l’épreuve du quotidien, le constat est sans appel. L’Adventure Sports aura su m’emmener aux quatre coins du canton en toute sécurité, quels que soient le temps, la température ou les conditions d’adhérence. Agile, onctueuse et sécurisante, elle prend soin de son pilote au quotidien, en offrant douceur de fonctionnement et confort de conduite. Tout en restant, on le sait, apte à emprunter les chemins de traverse de temps à autre, ou de rallier le Cap Nord sur un coup de tête. Il semblerait donc que le millésime 2020 de l’Africa Twin frôle la perfection.

Mais pour un motard, la perfection est-elle seulement souhaitable?

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