Essai Triumph Tiger Sport 660 – La routière accessible
Une moto simple, légère, capable de vous emmener au boulot chaque matin, comme au bout du monde si l’envie vous prend. Avec une bonne dose de fun et un confort royal, pour un tarif situé sous la barre psychologique des 10000 francs. L’équation est posée, et si nombre de constructeurs s’y sont déjà essayés – avec plus ou moins de succès – c’est au tour de Triumph, avec sa Tiger Sport 660, de tenter le pari du trail routier polyvalent et accessible.
Aéroport de Genève, 4h du matin. Le fond de l’air pique un peu, à vrai dire. Il s’agissait de se lever tôt pour attraper l’un des premiers vols du jour, ce mercredi 17 décembre 2021. Décollage à 6h05, pour une arrivée à Lisbonne à 7h35. Pile à l’heure du petit déj’, pour un réveil en douceur avec de délicieuses pâtisseries portugaises. Un stop gourmand, mais intermédiaire sur ce trajet qui doit me mener à Faro, puis à Albufeira. C’est en effet en Algarve que Triumph a prévu de faire essayer à la presse sa nouvelle Tiger Sport 660. Et connaissant les routes de la région, il y a de quoi se réjouir!
Magnifique Portugal
L’avantage d’arriver tôt est que je peux prendre le temps de découvrir les environs. Pour mon plaisir égoïste, déjà. Mais pour trouver des spots ou shooter la moto, surtout. Et le coin est justement riche en paysages majestueux. L’hôtel São Rafael Atlântico donne sur une côte escarpée, qui rend le simple être humain que je suis d’une infinie humilité face à ce que la Nature a sculpté. Des falaises tombant à pic dans un tourbillon de vagues, des plages d’un sable jaune immaculé et des rochers burinés par les lames de l’océan forgent un panorama d’une beauté à couper le souffle. La splendeur de l’Algarve n’est plus à démontrer.
De retour à l’hôtel, je m’attarde un peu sur la moto, sagement présentée dans le lobby. Elle semble presque minuscule, noyée dans un hall d’une hauteur sous plafond indécente. Mais dans la réalité, sa taille est plutôt standard. Et surtout plus valorisante que celle de ses concurrentes japonaises. Sur la Tiger Sport 660, tout est bien dimensionné et il ne fait aucun doute que je serai à mon aise dessus, malgré ma grande taille.
Le style de la moto est affirmé, avec une face avant racée et une partie arrière très épurée. Si la base est une Triumph Trident 660 (dont la Tiger Sport reprend le moteur et une bonne partie des composants), l’équipe chargée du design a réussi à lui forger une identité propre et seuls les afficionados de la marque remarqueront certaines similitudes entre les deux motos.
Il faut savoir que l’appellation «Sport», pour Triumph, évoque l’orientation routière de la Tiger 660, et non de vraies prétentions sportives. La Tiger Sport 660, avec ses roues en 17 pouces chaussées de Michelin Pilot Road 5, est donc un trail purement routier destiné au bitume, même si quelques pistes roulantes ne devraient pas lui faire peur.
Une moto aboutie
Je passe la main sur les différentes parties de la moto et je ne peux qu’apprécier la qualité de finition. Les plastiques sont très bien assemblés, les traitements de surface sont qualitatifs et les autocollants sont pris sous une couche de vernis protecteur. L’aspect premium de la Tiger Sport 660 saute aux yeux. Certains détails sont bien pensés, comme les larges poignées passager de série (elles étaient en option sur la Trident), les supports de valises latérales très bien intégrés, les valves coudées ou encore les platines de repose-pieds passagers boulonnées au cadre (et non soudées). Mieux vaut en effet changer une platine tordue qu’un cadre arrière en cas de chute.
La bulle, également, semble efficace. Montant assez haut d’origine, elle est de plus réglable sans outils et devrait offrir une protection appréciable.
Pour autant, il n’y a aucun rangement à bord, ni sous la selle, ni dans les retours de carénage. Pas plus qu’il n’y a de béquille centrale, de prise USB ou de commodos rétro-éclairés. De tels aspects pratiques auraient peut-être été plus pertinents, au vu de l’orientation «GT» de la moto, que les clignotants à extinction automatique dont elle est pourvue.
Le temps de faire un test PCR (le 2ème en trois jours, indispensable à mon retour en terres helvétiques) et il est déjà l’heure de me rendre à la conférence de presse. L’occasion de découvrir la moto en détail, de pouvoir discuter avec l’équipe en charge de son développement et de prendre connaissance de certains détails anecdotiques. Comme l’origine de ce coloris dénommé «Lucerne Blue», qui provient justement de la couleur de notre lac lucernois. Croustillant, lorsque l’on sait que Lucerne est justement le canton suisse où se trouve le siège de Yamaha Suisse. Et que la Tracer 7 est la principale rivale de la Tiger Sport 660.
Vie à bord
Autant le dire tout de suite: la journée s’annonce bien! Le ciel est dégagé, la température annoncée est de 17 degrés et une petite brise souffle un air marin des plus agréables sur mes épaules. Devant l’hôtel, une vingtaine de motos est alignée et la seule question qui semble se poser est «quelle couleur vais-je choisir?». Oui, la vie d’essayeur est particulièrement éprouvante.
Je monte sur la moto qui m’a été attribuée (une rouge, bien sûr) et suis immédiatement à mon aise. Du haut de mon mètre quatre-vingt-deux, j’ai les deux pieds au sol, bien à plat. La selle – qui culmine à 835 millimètres du sol – semble confortable, bien qu’un peu en pente et ne permettant pas de varier sa position. L’assise passager est en effet passablement surélevée par rapport à celle du pilote, afin de permettre à celui qui y prendra place d’avoir une vue dominante sur la route.
Le guidon est d’une largeur idéale, parfaite pour offrir une belle maniabilité sans avoir un bras de levier trop important. Je tourne la clé de contact et le tableau de bord s’illumine. Le bloc compteur est identique à celui de la Trident 660, avec une fenêtre en demi-lune à affichage LCD sur le dessus, et une fenêtre TFT carrée sur le dessous.
Les informations sont lisibles, même en plein soleil, et surtout complètes. On retrouve ainsi constamment affichés (en haut) la vitesse, le régime moteur, le rapport engagé et la jauge à essence. Tandis que la lucarne du bas renseigne sur le kilométrage effectué, l’heure ou le temps passé en selle, et permet de paramétrer la moto via le très intuitif commodo de gauche. Il est ainsi possible de régler la luminosité du tableau de bord, de gérer les deux modes moteur ou de désactiver le contrôle de traction. Entre autres.
En option peuvent être montés des capteurs de pressions de pneus (320 frs) ou le module de connectivité «My Triumph» (350 frs), qui permet de recevoir des appels ou d’écouter de la musique, via le système audio de votre casque. Ce module Bluetooth permet également de bénéficier d’une navigation «virage par virage», malheureusement non testée ici.
On ze road again
Un coup de pouce sur le démarreur et le trois-cylindres de 660 cm3 prend vie, dans une sonorité sourde très agréable. Il y a deux modes moteur disponibles: «Road» et «Rain», qui agissent sur la réactivité de l’accélérateur électronique et le niveau d’intervention des assistances (contrôle de traction et ABS). Je vérifie que je suis sur le premier, le deuxième étant vraiment destiné aux situations d’adhérence très précaire.
Les premiers tours de roues s’effectuent avec un naturel désarmant. La Triumph Tiger Sport 660 est d’une facilité de prise en main exemplaire et je me sens immédiatement à l’aise à son bord.
La position de conduite est bonne, avec le buste droit et les bras bien tendus vers le guidon. Les jambes sont un peu repliées, sans excès, et les moins d’un mètre quatre-vingts seront sans doute encore mieux installés que moi. Comme dit, la journée s’annonce bien.
Un moteur joueur
Il faut s’extirper de la zone littorale et donc emprunter des voies rapides, afin de gagner l’arrière-pays. Entre mes jambes, le tricylindre ronronne tranquillement. Il fait preuve d’une souplesse appréciable et reprend sans hoqueter dès les bas-régimes. Comme sur la Trident 660, il développe 81 chevaux à 10250 tr/min, puissance qui peut être bridée facilement à 47,5 chevaux (35 Kw), pour les besoins du permis «A limité» (ou permis «A2» dans d’autres pays, comme la France).
Ce bloc n’est pas loin de la perfection, entre onctuosité en bas du compte-tour et rage en approche de la zone rouge. Le tout avec une belle vivacité dans les montées en régime. Jouissif.
Mais pour le moment, c’est à régime constant qu’il tourne, en attendant un meilleur terrain de jeu. L’occasion de constater que les vibrations sont assez bien filtrées. Elles apparaissent, dans les poignées, aux alentours de 7 à 8000 tours. Mais de façon assez légère. Elles sont en tout cas bien moins présentes que sur la concurrente japonaise désignée. Les repose-pieds, eux, en sont quasiment exemptés. Un vrai bon point pour la fatigue du pilote lors de longs périples.
Car la Triumph Tiger Sport 660 est clairement orientée vers le tourisme routier. En témoigne une large gamme d’accessoires qui peuvent la transformer facilement en voyageuse au long cours. Avec une paire de valises, en premier lieu (comptez 635 frs la paire), qui viennent s’accrocher directement dans les encoches prévues à cet effet. Elles offrent une contenance totale de 57 litres et peuvent contenir chacune un casque intégral, grâce à l’échappement placé sous le moteur qui n’ampute pas leur volume.
Un top-case, pouvant accueillir deux casques, est également disponible (599 frs avec les supports dédiés).
Rajoutez 270 frs pour une paire de poignées chauffantes (à l’intégration parfaite) et vous obtenez, pour moins de 11500 frs, une routière parfaitement équipée pour avaler les kilomètres, en solo comme en duo. Et surtout accessible aux jeunes permis. Prometteur.
Un freinage incisif
La circulation en milieu urbain met en évidence la maniabilité de la Tiger Sport 660, avec une belle capacité à se faufiler entre les files de voitures, voire entre les barrières d’une place de charme qui me faisait de l’œil pour quelque photos. Mais c’est aussi en ville que je remarque que le système de freinage est parfaitement identique à celui de la Trident 660. Performant et endurant en usage un peu sportif, il souffre d’une attaque très (trop) franche lorsqu’on actionne le levier. La pleine puissance débarque instantanément, au moindre effleurement du levier. Un manque de progressivité qui pourrait surprendre un motard débutant en cas de freinage d’urgence.
Les deux disques de 310 mm, pincés par des étriers double pistons à fixation axiale, effectuent pourtant un travail remarquable. Mais ils gagneraient à se montrer plus dosables sur les premiers millimètres de course.
Le levier étant réglable en écartement, je le positionne sur le cinquième cran, pour augmenter sa course lors des phases de freinage. Mais si ce mordant est potentiellement à même de déstabiliser un jeune permis sur un gros freinage, il peut également se montrer un allié de choix lorsque le rythme s’accélère, comme je ne vais pas tarder à le découvrir.
Comme un air de montagnes russes
Ne me demandez pas le nom exact des routes empruntées. Non, je suis concentré à suivre l’ouvreur qui, comme d’habitude sur ce genre de roulage, imprime un rythme assez vif au groupe de cinq motos dont je fais partie. Mais si je n’ai aucune idée de ma position géographique exacte, je sais néanmoins parfaitement où je me trouve. Je suis au paradis des motards. Comme les routes sont belles par ici ! Et par «belles», j’entends sinueuses, dénivelées et au revêtement impeccable!
Rapidement, l’itinéraire prend une allure de Grand Huit, tant le ruban asphalté monte et descend, en projetant la moto et son pilote de virage en virage, sans ménagement. La route plonge sur d’impressionnantes compressions, avant de traverser de petits ponts aux rambardes inexistantes, pour enfin remonter sur des buttes en aveugle. Un parcours jouissif, mais un rien piégeux.
Le bloc fait preuve d’une belle vivacité et on peut compter sur le couple du trois-cylindres pour tracter les 206 kilos de la bête d’une courbe à l’autre, sans la moindre crainte. 64 Nm sont en effet libérés à 6250 tr/min, avec 90% de ce couple disponible dès 3600 tr/min.
Pas de doute, les sensations sont là et la Triumph Tiger Sport 660 fait preuve, en de telles circonstances, d’une belle capacité d’improvisation. Même si ses suspensions se montrent plutôt souples avec les réglages d’usine. Complètement fermé lors de la prise en main de la moto, le réglage de la précharge aura rapidement dû être adapté au poids du pilote pour profiter convenablement de la moto. En l’occurrence sur 8 crans pour ma centaine de kilos embarqués, via une pratique molette située sous la selle.
A partir de ce moment, le léger flottement dont pouvait faire preuve la moto sur ce parcours tortueux disparaîtra, pour laisser place à un excellent compromis entre confort et rigueur.
Une partie-cycle saine et rassurante… à rythme normal
Assez rapidement, je perds de vue le reste du groupe, qui a visiblement soudé la poignée droite avec vigueur. Un groupe adepte de la conduite sportive et qui émettra, plus tard, quelques réserves sur l’accord de suspensions de la Tiger Sport 660, allant jusqu’à évoquer des réactions parasites du train avant dans ses ultimes retranchements. Des réactions que je n’ai pas constatées et qui ne dérangeront pas la clientèle-cible de cette moto. Elle est avant tout destinée aux néophytes ou aux adeptes d’un usage touristique.
La fourche inversée Showa, d’un diamètre de 41 millimètres, n’a jamais mis en défaut ma confiance sur les quelques 270 kilomètres parcourus lors de cet essai. Elle est certes dénuée de tout réglage, mais offre un comportement au-dessus de tout soupçon tant que l’on roule aux limitations. Et ce même en cas de conduite un peu engagée. Dans ce cas de figure, seul l’ABS s’est parfois déclenché un peu rapidement à l’arrière, tout comme le contrôle de traction. Mais dans ce dernier cas, l’état de la route était également en cause.
Sapin de Noël
A ce propos, il me parait nécessaire de relever un problème électronique, survenu durant la première partie de cet essai. Sans que l’on sache pourquoi, nombre de voyants se sont soudainement allumés au tableau de bord, touchant successivement trois de nos motos. ABS et contrôle de traction en erreur, avec en prime une alerte moteur. Après avoir coupé le contact, tout est cependant revenu à la normale.
Ces motos étant des pré-séries, il y a peu de chance que ce type d’incident touche les motos qui entreront en production par la suite, les ingénieurs britanniques ayant été très réceptifs au problème rencontré. Mais il semblait important de vous signaler cet incident, en toute transparence.
En balade
Puisque je roule de manière trop touristique pour mes compatriotes, autant profiter du décor. L’Algarve est belle et les maisons typiques, aux murs blancs parsemés de bleu et parfois recouvertes de faïences, défilent dans mes rétroviseurs. Les villages sont colorés, souvent pavés sur leurs bas-côtés, et semblent figés dans un autre espace-temps. Il fait bon, pas loin de 18 degrés au meilleur de la journée, et la tentation est grande de s’arrêter à l’ombre d’un porche pour s’assoupir, le temps d’une sieste bienfaitrice sous une brise rafraîchissante.
Le ruban d’asphalte qui se déploie sous mes roues me guide à travers des paysages tantôt verdoyants, tantôt décharnés. Mais toujours magnifiés par une lumière extraordinairement changeante. Des paysages extrêmement variés, oscillant entre végétation luxuriante et plaines rocailleuses, qui témoignent de la météo extrêmement versatile de cette partie du Portugal. Je prends conscience du privilège de pouvoir tester cette moto dans des conditions si idéales. Quel beau métier !
Sur le chemin du retour, une rapide incursion sur voie rapide me permet de tester la stabilité à haute vitesse. A ce petit jeu, la Triumph Tiger Sport 660 se montre impériale, même largement au-dessus des limitations de vitesse officielles (sur autoroute allemande, bien évidemment).
La protection offerte par la bulle est, contre toute attente, purement symbolique. Pour mon mètre quatre-vingt-deux en tout cas. Même en position haute, elle génère beaucoup de turbulences autour du casque. Son réglage est également perfectible car, s’il reste possible d’une seule main en roulant, il nécessite une certaine poigne, avec un coulissement de la bulle assez brusque dans son fonctionnement.
A l’inverse, la bonne surprise provient de l’assise. La position unique de la selle ne m’a finalement absolument pas dérangé, et son moelleux aura été parfait. Au terme de cet essai, il n’y aura pas la moindre douleur à souligner dans mon arrière-train. De bon augure pour les longs voyages.
De retour à l’hôtel, le trip indique fièrement 270 kilomètres. Je n’ai pas remis d’essence dans le réservoir de 17 litres depuis le départ, mais le décompte kilométrique ne me laisse que 7,6 kilomètres avant panne sèche. Ce qui laisse, en tout les cas, une belle autonomie entre chaque passage à la pompe. Impossible cependant de calculer la consommation réelle de la moto, les équipes de Triumph s’étant chargées elles-mêmes de faire le plein à l’arrivée.
Un dernier shooting en bordure d’une falaise vertigineuse, au coucher du soleil, me laissera songeur quant à la journée passée au guidon de cette nouvelle Tiger Sport 660.
Une moto définitivement valorisante, qui m’aura apporté beaucoup de plaisir par sa facilité de prise en main, son moteur enjoué et son confort appréciable. Disponible dès le mois de février 2022 au tarif plutôt bien placé de 9990 frs (+ 120 frs pour le coloris rouge essayé ici), elle devrait sans problème se faire une place de choix sur un marché où la concurrence est pourtant affûtée.
Plus d’infos sur le site de Triumph Suisse, ou via nos partenaires de l’Annuaire des professionnels: Triumph Lausanne, à Crissier, et Triumph Fribourg, à Sâles.
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