Essai – La Ducati Streetfighter V4 S 2023, un cocktail d’aisance et de démence
Ducati a dévoilé la Streetfighter V4 en 2020. Attendue, certes, mais quel chamboulement parmi les roadsters survitaminés! Trois ans après, la firme de Bologne revoit sa copie dans l’unique but de rester – pas dans le coup – mais la référence de la catégorie. Esthétiquement, elle décoiffe comme elle charme. Quant aux chiffres, il font froid dans le dos autant qu’ils excitent le nerf motard qui a hiberné en chacun ces derniers mois. Notre essai sur circuit.
La Streetfighter V4 et sa soeur V4 S de Ducati ont fait grand bruit quand elle ont été dévoilées, et quand elles ont atteint les show-rooms suisses, en pleine pandémie de Covid-19. Vous pouvez lire à ce sujet notre essai de la version précédente, millésime 2020.
Ce modèle évolue en 2023 en appliquant les développements de la gamme Panigale V4 à la «Fight Formula», le slogan caractérisant les Streetfighter chez Ducati. N’y allons pas par quatre chemins. Cette nouvelle Streetfighter V4 rassemble à elle seule pléthore de superlatifs (lire notre présentation complète).
Sa ligne acérée, en pleine harmonie avec son attitude sportive de l’extrême, ne laisse pas indifférent. Les proportions esthétiques sont tenues, avec une volonté de concentrer les masses vers l’avant, lui donnant une silhouette franchement musclée et évocatrice de performances. Jusque dans les moindres détails, tant dans le coup de crayon que dans les matériaux utilisés, l’Italienne joue dans le (très) haut de gamme.
La plus belle alors? Quand bien même ce jugement de valeur est propre à chacun, force est de constater qu’elle met d’accord la majorité.
Côté chiffres, on reste sans voix. Il y a quelques années, dépasser les 150 chevaux pour un roadster relevait de l’exploit. La Ducati Streetfighter V4 ébranle le marché avec ses 208 chevaux.
Un rapport poids-puissance impressionnant
Son moteur V4 Desmosedici Stradale de 1103 cm3 développe pas moins de 123 Nm. Elle ne s’arrête pas là et s’offre une cure d’amaigrissement pour afficher une masse tous pleins faits de 197 kilos. Les matheux se chargeront de calculer le ratio poids/puissance… (réponse: 1.05 ch/kg).
Il n’y a guère que la toute récente BMW M 1000 R qui puisse plus ou moins lui tenir tête, au moins sur papier (lire notre essai).
La plus explosive alors? Notre essai sur le circuit d’Almeria détaillé quelques lignes plus bas le confirmera.
Du côté de la technologie, la Bolognaise n’est pas en reste et s’attribue le meilleur des laboratoires R&D de Ducati et du géant Bosch. Pour faire court, considérez l’électronique de la dernière version de la superbike Panigale V4… La Ducati Streetfighter V4 n’a en réalité rien à envier aux supersportives du marché.
Mais les nouveautés au menu du millésime 2023 ne se comptent pas que sur les doigts d’une main.
Déjà esthétiquement, la Streetfighter V4 S arbore une nouvelle combinaison de couleurs; outre le traditionnel rouge Ducati, on a maintenant du «grey nero» (gris et noir) sur les versions S et SP2, qui fait ainsi un clin d’oeil à la livrée « Winter Test » des motos Ducati Corse des tests de pré-saison des championnats MotoGP et WorldSBK.
Le réservoir reprend le dessin de celui des Panigale V4 avec de nouveaux panneaux latéraux pour offrir, semble-t-il, plus d’appui au freinage et dans les virages; et sa contenance monte à 17 litres.
La Streetfighter V4 s’empare des dernières évolutions technologiques et affiche dorénavant un mode de conduite «Wet» pour les roulages par temps de pluie, ainsi que deux nouveaux mode de puissance: «Low» limitant la puissance à (quand même) 165 chevaux, et «Full», sans limitation et sans assistance électronique.
En outre, un nouveau système de contrôle de frein-moteur (EBC EVO 2) fait son apparition, de même que la gestion du quickshifter a été revue.
Comme sur la Panigale V4, le shiftlight est représenté par une bande verte. Le tableau de bord propose le nouveau mode d’affichage « Track Evo », qui reproduit la disposition utilisée sur la Desmosedici de MotoGP et permet de visualiser immédiatement les informations les plus importantes et l’intervention des assistances électroniques lors d’une utilisation sur circuit.
Le châssis évolue aussi avec un bras oscillant repositionné en son point pivot (4 millimètres plus haut), pour une répartition des masses plus sur l’avant de la machine. Les entrées en courbe seront ainsi plus saignantes encore.
Il y a trois variantes de cette nouvelle Streefighter, comme jusqu’ici: la Streetfighter V4, la Streetfighter V4S (avec suspensions semi-actives, freins plus performants et roues forgées) et la Streetfighter V4SP, encore plus exclusive (voir ci-dessous).
Essai sur circuit, avec virages à l’aveugle et asphalte bosselé
A propos de la suspension, en ce qui concerne la Streetfighter V4 dans sa version S que nous essayons présentement sur le circuit d’Andalousie, Ducati fait toujours confiance à un ensemble Öhlins semi-actif avec une fourche inversée NIX30 de 43 millimètres et un amortisseur TTX36. Le système de freinage est sans surprise attribué à Brembo avec des étriers Stylema.
Maintenant que la technique a été plantée, intéressons-nous à ce que la Ducati Streetfighter V4 S a dans le ventre,
Le tracé du circuit d’Andalousie n’est pas des plus simples ni des plus reposants. Virages à l’aveugle, asphalte bosselé par endroit, virages sur les freins, le tout associé au fait que le tracé est difficilement mémorisable, la journée s’annonce exigeante. La météo est printanière, et ça, c’est bienvenu!
Durant le rapide briefing nous indiquant que « là c’est délicat car tu ne sais pas visuellement quelle trajectoire suivre, et là aussi, ainsi que là et là », on se réjouit de constater que quelques cônes pour points de repère seront dispersés tout le long du tracé. Aussi, le mode Race avec l’affichage Track Evo, les plus adaptés aux conditions de roulage, sont détaillés, de même que les possibilités de configuration.
La poignée de gaz est à la main droite, le frein aussi, le quickshifter au pied gauche. Le cerveau mis sur off, on tourne la clé de contact et l’on démarre le tonitruant Desmosedici Stradale.
Il n’y a pas besoin de plus pour se mettre dans l’ambiance, quand bien même le double échappement sous selle Akrapovic nous fait de l’oeil (disponible en option), ce dernier faisant perdre 5 kilos et gagner 12 chevaux.
On ferme l’écran du casque… et gaz! Enfin, les trois premiers tours sont accompagnés de quelques noms du milieu: Alessandro Valia (pilote d’essai Ducati), Dario Marchetti (instructeur de la Ducati Riding Experience), Karel Abraham (ancien pilote MotoGP) et Josh Herrin (pilote en championnat MotoAmerica Supersport). Ces noms vous parlent?
Il aura fallu plus de tours pour mémoriser les particularités de ce complexe circuit que pour prendre en main la Ducati Streetfighter V4 S. Il est vrai que les premiers virages sautent à la gueule, pardonnez l’expression familière. Les courbes s’enchaînent, les tours défilent. On apprivoise le tracé et on affine les trajectoires. L’aisance prend place, le plaisir aussi.
On recule ses propres limites
On entame la deuxième session (sur les six au programme). Là, on est chaud patate. Et pour maintenir les slicks Pirelli SuperCorsa SC1 en température, il faut mettre du gaz (ndlr: la bonne excuse!).
Petit à petit, on tente plus de gaz, on freine plus tard, puis on freine généreusement sur l’angle. La Ducati Streetfighter V4 est véritablement pousse-au-crime, tant elle défie les limites de la physique.
Du fait du manque de visibilité dans la plupart des virages, les trajectoires sont encore hésitantes. Mais peu importe, la moto est tellement agile et sécurisante qu’il suffit de se lancer à la corde, même sur les freins, le regard faisant le reste et… ça passe «fingers in the nose»!
Puis, à la remise des gaz, on ne se soucie guère de la motricité, tellement l’électronique est efficace. Le contrôle de traction sur 2 de concert avec le contrôle du slide, ça glisse juste ce qu’il faut pour ne pas mouiller le slip. Quant au contrôle anti-wheeling, sur le niveau 3, il maintient la roue avant au sol tant que la moto est sur l’angle. Puis, une fois la moto redressée, la roue avant se déleste de quelques centimètres.
L’accélération est impressionnante. Le V4 est plein à tous les régimes et souffle sans vergogne. Puissance et couple se conjuguent pour un cocktail explosif.
Un quickshifter doux et précis
Les fesses calées sur l’arrière de la selle, le tachymètre s’affole. Le très lumineux shiftlight indique l’instant optimal pour le changement de rapport. Les vitesses passent à la volée sans à-coup grâce au quickshifter de dernière génération. La commande de ce dernier est d’une douceur remarquable: une légère impulsion vers le haut ou le bas suffit à verrouiller instantanément le rapport suivant.
L’unique ligne droite de 800 mètres du circuit est avalée en quelques secondes et les 270 km/h sont atteints aisément. Le casque tassant les cervicales, les bras s’accrochant au guidon, on tient la charge. La moto est comme sur un rail.
L’épingle pointe à l’horizon et on tire le levier de frein sans la moindre hésitation. Pour l’anecdote, un tout droit s’apparente à une intrusion sur le circuit voisin, le circuit d’Almeria. La fourche se comprime à peine et on ne ressent aucun plongement.
Tout en puissance (et en endurance!), les étriers Brembo Stylema R font le travail. En pleine charge sur les freins, la moto se place en entrée de courbe avec une précision chirurgicale. On relâche progressivement les freins en même temps que l’on couche la Ducati. Sans effort, elle prend l’angle. Les cale-pieds sont loin d’être atteints.
Elle est stable dans toutes les phases de pilotage. Les responsables sont la rigidité du châssis ainsi que l’excellence de la suspension semi-active Öhlins. Le circuit étant bosselé en certains points, notamment lorsque la moto est sur l’angle, on a pu observer le travail de l’ensemble de suspension.
Les contraintes provoquées par les déformations de l’asphalte sont absorbées sans que le pilotage s’en ressente et la Streetfighter V4 S poursuit sa trajectoire sans broncher.
Facile de prime abord, elle demande néanmoins un solide bagage technique pour l’emmener à rythme soutenu. On peut aisément s’imaginer que la Ducati Streetfighter V4 S est une moto utilisable lors des déplacements quotidiens sur route ouverte, ou lors de balade sur route secondaire; toutefois, les roulages sur circuit nécessitent condition physique et notions de pilotage avancées.
Dans tous les cas, on revient d’Andalousie avec le sourire et on recommande chaudement aux potentiels acquéreurs de s’intéresser à l’Italienne. Cette Ducati est une expérience motarde à vivre!
Ducati promet livrer ses nouvelles Streetfighter V4 de suite, de même que pour les accessoires (système d’échappement Akrapovic et autres pièces Ducati Performance). Les prix indiqués pour chacun des modèles V4, V4 S et V4 SP2 sont respectivement de 23990 francs, 26890 francs et 37290 francs.
Pour en savoir plus sur la Ducati Streetfighter V4, vous pouvez consulter le site suisse de Ducati, ou vous adresser à nos partenaires dans l’Annuaire suisse des pros de la moto, Ducati Genève dans leurs nouveaux locaux à Vernier, Red Zone Motos à Echandens (VD), Compétition Park à Neuchâtel ou hostettler moto Sion.
La Ducati Streetfighter V4 SP2?
Pour pousser encore plus loin les performances de la Streetfighter V4, Ducati présente également le modèle haut de gamme Streetfighter V4 SP2 dans une version numérotée. Une moto prête à affronter la piste, la « Fight Formula » combinée aux spécifications « SP » la rendant encore plus efficace sur circuit.
La Streetfighter V4 SP2 est proposée dans la livrée « Winter Test », conçue par le Centro Stile Ducati en s’inspirant des motos Ducati Corse utilisées lors des tests de pré-saison des championnats MotoGP et WorldSBK. Le noir mat de la carrosserie, associé à la finition carbone mat des jantes et des ailes, contraste avec les accents rouge vif et la brillance du réservoir en aluminium brossé exposé, que l’on retrouve également sur les couvercles latéraux des radiateurs.
Le numéro de la moto est gravé au laser sur le guidon.
La Streetfighter V4 SP2 est équipée de jantes en carbone, plus légères de 1,4 kilo que celles en aluminium forgé montées sur la Streetfighter V4 S, et qui sont capables de réduire le moment d’inertie de 26 % à l’avant et de 46 % à l’arrière, ce qui rend la moto nettement plus agile et plus légère lors des changements de direction.
Les étriers de frein avant sont ici des Brembo Stylema R, le sommet du freinage sportif, au lieu des Brembo Stylema de la V4S.
Le moteur V4 Desmosedici Stradale est équipé de l’embrayage à sec STM-EVO SBK offrant une fonction de glissement améliorée, même dans les situations les plus agressives et une plus grande fluidité dans toutes les phases «sans gaz», essentielles pour être efficace sur la piste lorsqu’on roule à la limite.
Les suspensions Öhlins, elles, ne sont pas semi-actives. Elles ont été mises à jour avec des ressorts et des systèmes hydrauliques identiques à ceux de la Panigale V4, donnant au pilote la confiance nécessaire pour rouler dans les derniers retranchements des lois physiques.
Commentaires3 commentaires
3 commentaires