Essai – la nouvelle BMW S1000R, reine de l’agilité sur les cols
Nous avons pu tester durant quelques jours la version 2021 renouvelée de l’hyper naked allemande. Dans sa version « M » plus sportive, dotée notamment de roues en alliage de carbone, gage d’une inertie fortement réduite dans les changements de direction. Et avec toutes les options imaginables, ou presque.
Elle a manifestement changé de look, la BMW S1000R! Un exemplaire de la nouvelle version, modèle 2021, se trouve devant mes yeux chez Facchinetti Motos à Crissier, l’agent BMW Motorrad pour le canton de Vaud. Les phares avant asymétriques, typiques du modèle jusque là, ont bel et bien disparu. Et la machine semble nettement plus fine.
Aucune présentation internationale n’ayant été organisée pour les journalistes suisses, nous allons tester ce nouvel opus de l’hyper naked allemande en Suisse. Et au moment où nous avons commencé à écrire ces lignes, il faisait encore beau et surtout chaud, et les grands cols étaient encore accessibles.
Pour mettre à l’épreuve ce missile sol-sol, qui déclare la bagatelle de 165 chevaux comme puissance de pointe, nous décidons de prendre… l’autoroute, jusqu’à Bulle, et de là d’emprunter la route du col du Jaun. Elle ne monte pas très haut (un peu plus de 1500 mètres) mais elle offre de magnifiques épingles, surtout du côté bernois, qui sont parfaites pour tester l’agilité d’un roadtser, fût-il hyper-sportif.
Il faut préciser que la filiale suisse de BMW nous a mis entre les mains une version sur-accessoirisée, dotée notamment du pack « M ». Chez le constructeur bavarois, cette lettre, bien connue dans l’univers automobile est synonyme de performances. Cela ne veut pas dire que le moteur est rendu plus puissant. Les améliorations les plus importantes se concentrent dans l’ergonomie et dans la partie-cycle, et dans le poids total de la bête. A choix, on peut avoir des jantes forgées (et non coulées comme sur le modèle standard) ou carrément en carbone, encore plus légères. C’est ce dernier choix qui a été fait pour notre S1000R de test.
Résultat des courses, au lieu de peser 199 kilos avec les pleins, la machine en déclare 194 sur la balance! Ainsi modifiée, c’est l’une des plus légères de son segment, et même la plus légère. Pas la plus puissante. BMW n’a pas voulu suivre cette voie-là, contrairement à d’autres marques ayant elles aussi des hyper naked à leur catalogue, qui proposent des modèles allant jusqu’à ou carrément dépassant les 200 chevaux.
Le plus important dans tout cela, c’est que cette réduction de poids se fait le plus sentir (si l’on ose dire) dans les masses suspendues. Car les roues sont des masses suspendues, bien sûr. Et cela enlève un gros bout d’inertie lorsque l’on accélère, que l’on ralentit ou que l’on change de direction. Comme si la S1000R de base était pataude… le modèle précédent ne faisait peut-être pas partie des plus agiles de sa catégorie, mais il se défendait. Et la nouvelle version a perdu pas mal de poids de toute façon, y compris dans les masses suspendues, roues en carbone ou pas.
En prenant un peu (on a dit, un peu) de vitesse sur la voie rapide, on ne remarque aucune instabilité directionnelle qui résulterait de cette agilité supplémentaire. La S1000R va exactement là où vous voulez qu’elle aille, et elle n’est pas nerveuse. On a un juste équilibre entre vivacité et stabilité. A re-vérifier sur une route plus tortueuse. Avec des fissures et des bosses dans les virages.
L’autoroute n’est pas fatigante, on n’est pas obligé de s’aplatir comme une limande aux vitesses légales, et il y a même un chouïa de protection aérodynamique, venue d’on ne sait où puisqu’il n’y a pas l’ombre d’un pare-brise. On a la possibilité de redresser le haut du corps sans trop se fatiguer dans la nuque et les bras, car la position du guidon assez large mais surtout pas trop en avant le permet. Et la selle, bien que sportive dans son dessin, est confortable aussi sur plus d’une cinquantaine de kilomètres à la fois. Enfin le quatre-cylindres en ligne peut tout à fait dissimuler sa nature de fou furieux en vous laissant cruiser à 100-120 km/h.
Comme pour la dernière version de la soeur haut sur pattes S 1000 XR (lire notre essai), les trois dernières vitesses ont été étagées différemment par rapport au modèle précédent, et on a en conséquence moins de bruit et moins de vibrations sur autoroute, et une consommation d’essence plus modeste. Et puis notre moto de test est équipée d’un régulateur de vitesse ajustable (pas adaptatif, hein) typique de BMW, très facile à utiliser.
Nous arrivons donc parfaitement reposé à la Tour-de-Trème, lieu de rendez-vous classique pour ceux et celles qui vont « faire le Jaun ».
Dès que le trafic se fait plus rare et que l’on quitte les localités, la vraie nature de la nouvelle S1000R se dévoile, un peu. Il suffit vraiment d’une micro-impulsion des mains, ou des hanches, ou même des bottes, pour changer légèrement la trajectoire. On a dit légèrement, les réactions sont exactement proportionnées à la force de l’impulsion. Et tout de suite, il faut se lancer dans un cours de physique un peu étrange. Parce que la force n’est ici pas équivalente à l’effort. Tout se fait absolument sans effort, justement. Il faudrait voir ce que cela donne sur circuit, à des vitesses bien plus sportives et inatteignables de manière légales sur une route. Mais sur une route, tout virage, même la plus compliquée des épingles, devient d’une facilité presque déconcertante.
Il ne faut que quelques secondes pour que le premier slider vienne toucher la tarmac. Puis, dans l’autre sens, c’est au tour de l’autre genou de se frotter à l’asphalte. Et toujours tout cela dans un contrôle parfait. Quand on tombe sur des portions de bitume pas très plates, sur des fissures et des bosses en plein virage, la S1000R ne bronche pas. Elle suit sa trajectoire. On ne sent pas de mouvement parasite dans les suspensions, même à bonne vitesse. Et côté confort, c’est toujours plutôt bon. La selle offre un bon support et n’est pas trop ferme, et l’amortissement n’est pas trop sec. Notez que de série on a droit à des suspensions entièrement réglables, et qu’avec le carton d’option qui a été ajouté à notre moto de test, l’amortissement électronique semi-actif inclus (appelé DDC sur les 4-cylindres BMW) est une bonne aide pour avoir à la fois la rigueur et le confort en roulant.
Le seul regret, peut-être, est qu’on ne peut plus choisir grand chose. Il faut se contenter des règlages et des actions de l’électronique, et l’on n’a que deux settings différents, dur, ou souple. C’est suffisant comme différence dans 90% des cas, du moins sur la route. On peut encore régler soi-même la précharge en fonction de la charge emportée, notez bien. Mais on aurait apprécié un peu plus de finesse. Par exemple pour les fois où l’on emmène cette bête sur circuit.
C’est un peu la même chose pour ce qui est des modes de pilotage et des degrés d’intervention des aides au pilotage, dont le contrôle de traction, la réponse à la commande d’accélération, etc. De série, on a droit à trois modes prédéfinis. Et à un ABS et un contrôle de traction dont le degré d’intervention varie selon le mode choisi, et qui sont sensibles à l’angle pris par la moto, grâce à la présence d’une centrale de mesures inertielles sur six axes (en réalité, trois axes, et à chaque fois deux sens). Plus encore une aide au démarrage en côte, qui utilise les freins pour « tenir » la moto quand on part depuis une route pentue.
Les options ajoutées, et notamment le mode de pilotage Dynamic Pro, ajoutent une couche de personnalisation possible. On peut ainsi ajuster le contrôle de traction, et si on le désire, le désactiver. Même chose pour l’ABS. A réserver à des mains expertes, et pour ceux et celles qui maîtrisent le stunt à moto! Mais là encore, les possibilités de personnalisation sont en fait plutôt limitées, si on les compare à certaines motos chez la concurrence, notamment italienne. Deux philosophies différentes, probablement.
Ce qui est sûr, c’est que le tableau de bord en couleur est d’une belle lisibilité et qu’il est très facile de naviguer dans ses menus grâce aux boutons placés sur le commodo gauche et au multicontrôleur, une grosse molette également positionnée sur la partie gauche du guidon. Ces commandes sont plus ou moins répandues dans toute une partie de la gamme moto de BMW, et elles sont diablement efficaces.
On peut choisir entre différents types d’affichage. Le plus « sportif » vous renseigne bien sûr sur votre vitesse, sur le régime du moteur, mais aussi, en temps réel, sur le degré d’intervention du contrôle de traction, sur la force de freinage exercée sur le moment et, fun ultime, sur l’angle d’inclinaison que vous réussissez à prendre en virage!
Le quickshifter bidirectionnel est une autre option dont nous disposions, et il fonctionne à merveille sur cette machine. Pas que la transmission, l’embrayage (anti-dribble et à actionnement hydraulique) et la boîte aient par ailleurs quoi que ce soit à se reprocher.
Quant au freinage, il offre une force immense au besoin, mais n’est pas intimidant. Il rassure dans toutes les circonstances et on dose son action au micro-millimètre près. Et la moto ne se désunit pas quand on freine comme un trappeur en entrée de virage, ni même quand on utilise les freins après l’entrée du virage pour par exemple changer de trajectoire plus rapidement. Genre pour éviter un rocher sur la voie. On note incidemment que le traditionnel bocal contenant le liquide de frein n’est nulle part visible. BMW s’est débrouillé pour intégrer cela dans le reste du système de frein!
La journée avec séance photo sur le col du Jaun tire à sa fin, et il est temps de rentrer. Et d’enclencher les poignées chauffantes, bien conçues. Oui, c’est encore une option installée! Avec toutes ces options et ces différents accessoires, il faut relever que les 14900 francs exigés pour la S1000R standard sont devenus 22690 francs! Dont plus de 3000 sont à porter au crédit du pack M et des roues en carbone.
Encore un mot sur les aspects quotidiens à bord de cette moto. Son moteur chauffe beaucoup moins que sur les modèles précédents, et il y a moins de vibrations gênantes dans les mi- et hauts régimes. Mais le quatre-cylindres en ligne n’est pas devenu pour autant complètement tranquille. Cela dit, en ville, ou sur autoroute, c’est tout à fait vivable. Et le rayon de braquage est correct pour ce genre de moto.
De nuit, l’éclairage est bon, il porte suffisamment loin. Mais le système de phares de virage, optionnel, ne fait pas partie des plus performants du marché. Il faut que la S1000R soit vraiment bien inclinée pour qu’il entre en action, et l’illumination dans la courbe ne montre pas grand chose.
Un autre aspect intéressant, présent sur d’autres BMW, est la connectivité. La S1000R est jumelable avec un smartphone et un intercom dans un casque. Pour pouvoir utiliser en roulant les fonctions dudit smartphone. Mais, car il y en a un, le système installé a souvent toutes les peines du monde à reconnaître un dispositif qui ne passe pas par un casque avec intercom agréé BMW. Si le capteur Bluetooth de la moto a « vu » notre téléphone (un iPhone 8), il n’a pas été possible d’aller plus loin.
En conclusion, cette nouvelle version de la S1000R porte le plaisir de conduite et de pilotage un cran plus haut, et le paquet global, s’il n’est pas parfait, est convaincant et assez polyvalent. On n’a pas vraiment besoin des dix ou vingt ou même trente chevaux de puissance maximale déclarés sur la fiche technique de certaines concurrentes. Parce que la BMW mise sur autre chose que la force pure, et que de toutes façons, 165 chevaux sur la route (et même sur la piste) c’est bien assez si l’on n’est pas en train d’essayer de gagner une course et que l’on a comme ici une machine agile et rigoureuse.
Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez vous adresser à l’un de nos partenaires de l’Annuaire suisse des professionnels de la moto, comme Facchinetti Motos à Crissier (VD) ou Meyrin (GE), ou Motos Vionnet à Sâles (FR). Vous pouvez aussi consulter le site suisse de BMW Motorrad.
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