Ducati Multistrada 1200 Enduro, e viva la saleté!

Publié le 15 avril 2016 par Jérôme Ducret, mis à jour le 10 mai 2016.

Photos: Milagro.

Test Ducati

Ducati Multistrada 1200 Enduro, e viva la saleté!

La première machine clairement présentée comme une moto tout-terrain chez les rouge est étonnamment capable dans ce domaine.

Je me suis toujours réjoui de pouvoir patauger dans la boue avec des bottes en caoutchouc. Mais est-il permis, lors d’une présentation presse, de salir de haut en bas une noble diva originaire de Bologne? Eh bien oui! Ce qui jusqu’il y a peu de temps apparaissait comme une sorte de sacrilège est devenu très récemment un comportement pour lequel même les patrons de Ducati montrent l’exemple. C’est donc ainsi que l’on peut au mieux appréhender ma minute de bonheur cochon: « je vous en prie, roulez dans la boue! »

Bien concentré sur la commande des gaz, et avec des pneus à crampons qui creusent des sillons de l’ordre du mètre, je mets dans mon viseur une énorme flaque de boue. La saleté renforce les défenses immunitaires, a-t-on certainement pensé à Bologne. Et c’était justifié: ça gicle jusqu’au-dessus du pare-brise!

Au sud de Cagliari (Sardaigne), j’emmène sans pitié la diva dans la bauge. Les crampons de Pirelli Scorpion Rallye offrent du grip dans toutes les situations, mais dans un tel bourbier, il arrive quand même que la roue avant se mette à glisser. Heureusement, l’imposante machine, remplie avec 30 litres de carburant, est facile à rattraper. La nouvelle Multistrada 1200 Enduro est bel et bien un produit marquant une nouvelle époque dans les 90 ans d’histoire de la marque Ducati. Cette « rouge » est en effet une vraie enduro, capable de passer par monts et par vaux, de patauger dans l’eau et de gravir des collines escarpées. Les succès routiers des Bolognais (la Multistrada actuelle, base de cette nouvelle version, est une machine destinée au premier chef à l’asphalte) vont-ils permettre de maîtriser aussi le tout-terrain?

Mais on revient à la Sardaigne. En à peine quelques secondes, le scandale arrive et la diva de 254 kilos se jette dans l’ornière boueuse… elle y va profondément, tout n’est plus que saleté. Comme un cochon qui se roule dans son auge. Et maintenant la moto est recouverte de fange, de haut en bas.

Rien de mieux que de se souiller dans la boue.
Rien de mieux que de se souiller dans la boue.

On doit vraiment aller là haut? Evidemment! Un homme portant les insignes de Ducati nous désigne ainsi une montagne qui se révèle à nos yeux. J’entends un de mes collègues murmurer au travers des salves sonores des Multis: « Et le photographe, il est là haut? On n’a encore jamais vu ça chez Ducati! » Et au fond, pourquoi pas… le premier obstacle se transforme en un simple exercice. La suite, par contre, est un parcours techniquement exigeant, une montée qui mérite ce nom. 30 km/h sur une « Duc » peuvent paraître peu de choses, mais dans ce terrain rempli d’éboulis à la tonne et de blocs rocheux cela ressemble à la vitesse lumière.

Ca ne fait pas que monter, ça redescend aussi.
Ca ne fait pas que monter, ça redescend aussi.

On peut en fait sans autre qualifier d’exigeant les 52 kilomètres de parcours tout-terrain que Ducati a sélectionné en Sardaigne pour ce test, le genre de terrain sur lequel on aimerait bien ne pas s’éterniser avec une moto de ce calibre. Et cependant, la « diva de Bologne » semble vraiment apprécier ce séjour sale à la campagne: par rapport à la Multistrada « normale », la première vitesse est plus courte, ce qui fait qu’il est tout à fait possible de rouler à 20 km/h en tout-terrain avec un régime moteur de 1500 tr/min. L’italienne accepte même sans plainte des sauts dans des cuvettes. Au final ce genre d’expérience procure plus de fun à la Belladonna que de se contenter de poser kilomètre après kilomètre d »asphalte civilisé.

Et hop, un joli saut.
Et hop, un joli saut.

Cette Multi est une moto robuste, on pourrait presque dire une moto d’homme, faite pour une utilisation sans réserve sur des petits chemins escarpés, pour les aventures de type enduro sur des éboulis instables, et à laquelle on ne refuse pas non plus les passages dans des cols empierrés pleins de virages. Ses aptitudes au tout-terrain son bien meilleures que ce à quoi l’on s’attendait, à tel point qu’elle peut s’attaquer aux moto d’Adventure des Bavarois et des Autrichiens.

Base routière transfigurée

On ajoute que la base de cette Primadonna bolognaise nourrissant des fantaisies pas propres est cependant bien une moto conçue pour la route, même s’il s’agit d’un excellent modèle, à savoir la Multistrada 1200 S, que l’on connaît depuis deux ans déjà. Mais ne vous laissez pas induire en erreur, c’est bien ce modèle précis, et pas la Panigale, qui bénéficie dans la maison Ducati des raffinements techniques les plus extrêmes: distribution variable desmodromique, embrayage anti-dribble, tempomat, contrôle de wheelie, ABS efficace aussi en virage et contrôle de traction, phares de virage à LED, suspensions semi-actives, poignées chauffantes… pour une utilisation en tout-terrain il n’a fallu en définitive modifier que les cartographies d’injection du moteur, les rapports de vitesses, les éléments des suspensions et le bras oscillant.

Contrairement à sa soeur des routes asphaltées l’Enduro a droit à un bras oscillant conventionnel, c’est à dire double et à l’adjonction de 30 mm de débattement de suspensions. Et il y a eu bien sûr des adaptations apportées à l’algorythme Skyhook des suspensions électroniques. Et par-dessus tout cela il y a aussi un assistant au démarage en côte (le « Hill Hold »). Je pourrais encore au passage aller dans le détail des « gadgets » présents et rien que pour le tableau de bord, qui affiche une montagne d’informations et indique dans lequel des quatre modes de conduite (faciles à sélectionner) on se trouve, on pourrait remplir une page. Mais ça suffit! Il est temps de revenir à la conduite, cette fois-ci sur une boucle de 140 kilomètres de bon asphalte.

Sur la route, ça plane

Les suspensions longues (200/200 mm) permettent à la Multi des pistes de planer sur les revêtements inégaux. Le réglage de base en mode Touring laisse une claire impression de confort. Des gros freinages avant épingles à cheveu ou virage serré sont bien exécutés, à la manière enduro, c’est-à-dire avec l’avant qui plonge. Si on sélectionne le mode Sport, le phénomène, dû à l’excursion longue, s’amenuise et l' »Endurostrada » ne se comporte pas plus mal que la Multistrada que l’on connaissait déjà (du moins pour ce qui est des courbes qui n’ont pas un rayon tel que l’on peut les avaler à 180 km/h). Chaussée de Pirelli Scorpion Trail qui sont plutôt orientés asphalte, on peut pousser cette moto à la limite avec facilité, sur les routes pleines de virages de la Sardaigne, sans hésitation d’aucune sorte.

Même les valises peuvent frotter, tellement la moto est capable de s'incliner.
Même les valises peuvent frotter, tellement la moto est capable de s’incliner.

Il faut même prendre garde à ne pas faire frotter les valises en alu (qui sont faites par Touratech et offrent avec le topbox 123 litres de contenance), tel est l’angle de passage en courbe qu’elle autorise. Elle se laisse diriger avec précision, donne un retour d’information transparent sur la route et maintient de manière propre et stable la trajectoire visée, quelle qu’elle soit. Ce qui est réjouissant, c’est que le manque relatif de force et de punch aux mi-régimes que nous avions constaté à bord de la Multistrada 1200 S, à l’occasion d’un comparatif mené dans le cadre de l’Alpenchallenge, a tout simplement disparu. L’amélioration est venue d’une nouvelle cartographie d’injection – que l’on peut obtenir pour toutes les Multistradas équipées de la distribution variable DVT.

Une assise large, une position de conduite droite, une grande capacité de chargement et des extras, comme le siège chauffant ou un système de navigation rendent les motos dites d’aventure particulièrement attractives. Viva la saleté: en tant que première excursion d’un constructeur dans un segment nouveau pour lui, cette moto est presque un miracle. La nouvelle Multistrada combine de bonnes capacités tout-terrain comme sur route avec une vraie multifonctionnalité et elle est en plus sacrément jolie.

Il y a de quoi avaler les virages avec appétit aussi sur asphalte.
Il y a de quoi avaler les virages avec appétit aussi sur asphalte.

A côté de petites faiblesses (manque d’un Quickshifter, selle pas réglable en hauteur), les « rouges » se sont malheureusement permis une faute plus substantielle: pour ce qui est du GPS, la nouvelle Multistrada ne s’en sort pas très bien, car la solution imposée pour le montage n’en est pas une. C’est la même que pour sa soeur routière,  savoir qu’il faut placer le navigateur dans la sacoche de réservoir. Si on voit ça de manière constructive, il faut bien avouer qu’il n’y a pas d’autre lieu possible sur la Multistrada. Il ne resterait en fait plus qu’à intégrer la fonction GPS de manière élégante dans le tableau de bord. On se demande avec curiosité et impatience quand les Italiens vont y arriver. Ce serait pourtant tout aussi innovatif que le reste de la moto. Et puis n’oublions pas Audi, la maison mère. Dans le domaine automobile, ce genre de solution fait depuis longtemps partie du quotidien.

Ducati Multistrada 1200 Enduro, disponible de suite, à partir de 21990 francs, en gris-noir.

 

Galerie photos

[gss ids= »19857,19855,19850,19848,19844,19843,19841,19840,19842,19836,19834,19826,19825,19824,19823,19822″ name= »myslideshow » options= »timeout=4000″ carousel= »fx=carousel »]

Par Michaël Kutschke, article paru sous une autre forme dans le magazine spécialisé alémanique Töff, traduction Jérôme Ducret
Created with love by netinfluence agence digitale
Abonnez-vous à notre newsletter mensuelle
Suivez l'actualité du monde de la moto, les nouveautés et l'agenda des événements